Il n'y a pas de lumière sans ombre; u.c

« Je t'offre un verre chérie ? »

Velvet fixa d'un regard noir le quinquagénaire qui s'approchait d'elle en titubant, il empestait l'alcool et lorsqu'il osa s'asseoir en face d'elle, l'adolescente rencontra des yeux trahissant la perversité. C'était simple, l'être seul était dégoutant et Velvet eut un mouvement de recul juste au moment où l'homme tendait une main sous la table, vers ses genoux. Avec un visage horrifié, la jeune fille se leva prestement et, dans son élan, renversa son verre qui se brisa dans un fracas épouvantable. Dans le bar, où elle avait réservé une chambre pour la nuit, tout le monde les regardait avec des yeux écarquillés, mais personne ne semblait vouloir faire le moindre geste pour venir en aide à la fillette. C'était l'attraction de la journée, et c'était surement bien trop plaisant pour y mettre fin.
L'homme profita d'un regard d'égarement de sa victime pour empoigner son bras, avec force, et Velvet déglutit avec horreur, avant de lui cracher au visage. Ce fut un laps de temps suffisant à la sorcière pour prendre ses jambes à son cou et s'enfuir, seule, dans Edimbourg, à la tombée de la nuit.

Elle courrut aussi longtemps qu'elle le pût, jusqu'à ce qu'elle n'ait plus de souffle et que ses jambes lui fassent trop mal pour continuer à fuir. Alors, et seulement alors, elle osa jeter un regard derrière elle : ce fut un énorme soulagement de constater que l'homme ne l'avait pas poursuivi jusque là. Cependant, son apaisement fut de courte durée lorsqu'elle découvrit la rue, lugubre, dans laquelle elle se trouvait, rue où seul un imposant et menaçant portail noir lui barrait le passage. Velvet pivota et observa les alentours : il n'y avait rien d'autre que ce grand portail, et à moins de vagabonder toute la nuit, elle ne trouverait rien de mieux, elle en était certaine.

Tout en tendant sa baguette magique, la jeune fille murmura une formule qui fit jaillir un jet de lumière devant elle, permettant ainsi d'éclairer le chemin derrière le portique. La maison, ou plutôt le manoir qu'il abritait semblait encore à quelques centaines de mètres, et Velvet jugea bon d'aller directement frapper à la porte, plutôt que d'attendre qu'on daigne lui adresser la parole, derrière une sonnette électronique, pour ensuite lui refuser toute hospitalité. Au contraire, elle était sûre qu'en découvrant son visage fatigué, jeune et inoffensif, les habitants ne sauraient lui refuser le couvert. Sans plus attendre, elle s'agrippa aux barreaux et sauta par dessus le portail, comme si de rien n'était. Elle se savait en effraction, et plus elle avançait sur le chemin sablonneux qui la menait au manoir, plus elle regrettait de s'être enfuie du centre-ville : à vrai dire, le manoir commençait à apparaître devant elle, et il ne présageait rien de bon : il était imposant, grisonnant et sinistre, en un mot, effrayant.

Faisait preuve de tout le courage dont elle était capable, Velvet frappa lentement contre les carreaux de la porte d'entrée, tout en résistant à l'envie de lever la tête. Elle était presque sûre que des gargouilles l'observaient avec dédain, mais une partie d'elle même ne voulait absolument pas en avoir la confirmation, c'était bien trop... inquiétant. A vrai dire, elle avait beau être une sorcière, ce manoir lui rappelait celui d'une histoire que tous les moldus connaissent, la famille Adams. Toc, dans sa tête, elle se répétait des mots inlassablement, les mêmes qu'elle prononçait toujours lorsqu'elle demander asile chez des inconnus. Toc, mais n'était plus tout à fait certaine de vouloir pénétrer dans cette angoissante demeure. Toc, de toute façon, c'était trop tard, maintenant, pour rebrousser chemin.